Le Breathwork, un souffle transformateur
J’ai testé… le Breathwork
Des bougies, de l’encens, des guirlandes lumineuses… et un panier de basket. En un rien de temps, Susan Oubari vient de transformer le gymnase de l’Église Américaine de Paris en une bulle douillette. Comme la Rebirth thérapie et la respiration holotropique, le Breathwork est une transe d’hyperventilation thérapeutique. On inspire par la bouche en deux temps, d’abord en gonflant le ventre (« comme si on voulait attraper ce qui est enfoui en nous avec un crochet ») puis en gonflant les poumons, et on relâche une expiration « légère comme une plume ». Semblable au va-et-vient des vagues, ce cycle se répète à un rythme soutenu pendant 26 minutes, sur de la musique, et se termine par 10 minutes de silence et de respiration nasale, pour « redescendre ». Allongés sur nos tapis, un masque sur les yeux, une couverture sur le corps, et c’est parti. Mon ventre remue et semble danser à chaque inspiration ! J’aime le fait que la musique soit assez forte pour me laisser une sorte d’intimité : bien que nous ayons tous une respiration assez sonore, je n’entends pas vraiment celle de mes voisins. Très vite, je perds toute notion du temps et les symptômes habituels de l’hyperventilation se font sentir (léger étourdissement, engourdissement des mains, des bras et des jambes), preuve que la composition chimique de mon sang est en train de changer.
Une fois que mon corps a compris le rythme à suivre, mon esprit quitte le gymnase : je le visualise, je suis… un toucan qui survole une immense forêt ! Cet élan de liberté me fait monter des larmes – « la première fois, j’ai pleuré pendant toute la séance », m’a confié ma voisine de tapis juste avant de commencer… Puis, tout en frappant un gong, Susan nous invite à tout lâcher en criant. Le gong est si fort que je m’entends à peine le faire, et c’est libérateur : je me surprends à pousser un long rugissement de guerrière ! Quand, dans la vie de tous les jours, avons-nous l’occasion de faire cela ? Je me sens électrique, pleine d’une énergie nouvelle. Le rythme de la musique baisse. C’est le moment de revenir à une respiration normale – plus difficile à dire qu’à faire. Susan, également Maître Reiki, appose ses mains sur mon front et ma cage thoracique ; elle canalise mon énergie et m’aide doucement à redescendre. Quel voyage ! L’expérience de cet état de conscience modifié, très marquante, me rappelle que la respiration est ce que nous avons de plus puissant pour vivre notre vérité… et moi, je ne suis pas près d’oublier mon vol au dessus de l’Amazonie.
Yoga magazine : La première séance de Clémentine a été très positive, elle a vécu un sentiment d’immense liberté. Est-ce toujours le cas pour les premiers venants ?
Susan Oubari : On peut vivre une expérience magique comme on peut en vivre une terrifiante. Il faut savoir que cet exercice [comme toutes les formes d’hyperventilation, ndlr] peut réveiller de vieux démons. Récemment, j’ai reçu une femme pour une séance privée de coaching et Breathwork. Les cinq premières minutes ont été dures pour elle, car elle a réalisé l’ampleur d’un traumatisme d’abandon vécu pendant l’enfance. Pour moi, le Breathwork a été transformatif. J’ai pu revenir sur une période difficile de ma vie et déculpabiliser. Ça m’a permis de trouver la confiance en moi, pour comprendre que cette période-là ne définissait pas mon identité, que je valais beaucoup plus que cela, et que je ne devais pas garder ces souvenirs au fond de moi comme un terrible secret. Si l’on est déjà suivi par un thérapeute, le Breathwork peut être comme un petit coup de pouce sur son chemin de guérison.
Comment expliquez-vous que l’on puisse vivre une telle transformation rien qu’en respirant ?
Quand on respire à fond, cela oxygène le sang. Quand on oxygène le sang, cela oxygène le cerveau. L’hypothalamus libère alors des endorphines vers les glandes endocrines – or, ces glandes sont situées exactement au niveau des 7 chakras. Cela fait donc vibrer les chakras, ils « tournent » comme des roues. Grâce à la respiration, l’énergie circule plus librement, ce qui fait remuer les émotions endormies. Au bout de quelques minutes, un phénomène a lieu grâce à cette respiration, appelé transient hypofrontality. La partie frontale (analytique, intellectuelle) de notre cerveau se met en veille : s’ensuit une perte de la notion du temps, un sentiment d’euphorie, on est amoureux de la vie ! Si vous aimez courir, vous savez que les coureurs appellent ce phénomène le « runner’s high ». C’est un effet similaire à la prise de LSD. Dans les années 70, des psychiatres ont fait des recherches sur les effets thérapeutiques de ce genre de drogues. Quand le LSD a été interdit, ils ont continué leurs recherches pour voir si l’on pouvait obtenir ces effets sur le corps de manière naturelle. Et la réponse est : en respirant !
Diriez-vous que le Breathwork est une forme de méditation active ?
Oui, complètement. Cela peut aider les gens qui n’aiment pas méditer ou qui ne savent pas comment faire : ils ne ressentent pas les effets positifs de la méditations parce qu’ils sont tellement ailleurs, ou dans leur tête… On peut faire du Breathwork tous les matins pendant 20 minutes, exactement comme une méditation. C’est ce que je fais – sauf quand j’ai un rhume ! Il existe de nombreuses autres formes de thérapies basées sur l’hyperventilation (la Rebirth Therapy, la respiration holotropique…) mais elles sont plus intenses : elles durent plusieurs heures et sont très encadrées.
Dans vos explications au début de la séance, vous avez enjoints les participants à respirer en gonflant le bas du ventre comme si on le « tirait avec un crochet » pour le faire « remonter ». Or, on dit souvent que les émotions bloquées sont là, dans le bas ventre. Les mouvements physiques de la respiration ont-ils eux aussi leur rôle à jouer ?
Tout à fait. Quand l’énergie ne circule pas bien (si un chakra est « bloqué », par exemple) on le sent : on ne dort pas bien, notre journée est foutue ! En visualisant ce crochet, on crée un chemin pour l’esprit pour que le blocage se révèle. Les tensions que nous accumulons, que ce soit depuis 15 ans ou depuis hier, recouvrent littéralement notre âme. Nous avons mis en place tout un système de « fortifications ». Des armures. “Je dois dire oui à tout le monde parce qu’on m’a appris à le faire”, “je ne dois pas tomber amoureuse parce que je ne veux pas me blesser ou être vulnérable”… Tout cela est lié à la peur, aux conditionnements qui nous rendent rigides. Quand on lâche l’égo et les fortifications, avec une respiration qui active physiquement cette partie du corps, on peut dévoiler se qui se cache derrière tout ça : la vérité. C’est à dire, l’âme. Et quand on entre en connexion avec notre vérité, on peut déployer nos ailes.
Vous pratiquez également des soins Reiki pendant la séance. Comment avez-vous eu l’idée de créer cette association ?
Je fais du Reiki depuis 14 ans, et je suis passée Maître Reiki en 2012. Cette pratique a absolument changé ma vie. À l’époque, je travaillais comme une folle, mon mari voyageait beaucoup et ma fille de 6 ans avait un nouveau tic d’anxiété toutes les semaines… Je ne supportais pas qu’il n’existe pas un médicament à prendre pour régler tout ça ! Avec le Reiki, j’ai compris quelles étaient mes valeurs, mes croyances, mes priorités, et j’ai compris que je faisais tout à l’envers. J’ai dû tout remettre en place… J’ai changé de travail et ma famille m’a suivie : nos rapports se sont adoucis, ma fille a guéri… Cependant, un problème subsistait : mon milieu méprisait mon activité en taxant le Reiki de mascarade new-age. Je parlais d’énergie universelle et mes amis et mes collègues dans le milieu de la mode pensaient que j’étais complètement dingue ! En France, des émissions de télé disaient qu’on appartenait à une secte, qu’on se prenait pour des sorciers… C’était très difficile à vivre, quand moi-même je connaissais les bénéfices extraordinaires du Reiki. Avec le Breathwork, j’ai trouvé quelque chose de totalement pragmatique : tout le monde respire, même mon mari ingénieur ! C’est ce qui allait m’aider à être mieux comprise. Et c’est une porte d’entrée vers le Reiki.
Comment mêlez-vous ces deux expertises ?
En posant mes mains sur leurs pieds, j’aide les participants à s’enraciner. En posant mes mains sur leur tête, je sais que je peux les emmener à un autre niveau de leur voyage. C’est aussi un moyen de rassurer les participants. Je suis très attentive tout au long de la séance : si quelqu’un souffle trop fort ou semble angoissé, je le calme, je lui rappelle qu’il peut revenir à une respiration normale à tout moment.
Pour en savoir plus sur Susan et le Breathwork : www.susanoubari.com/about-breatheinparis
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Texte et interview : Clémentine Koenig. Photographies : Linda Mackie Photography (portrait) et Jean Picon pour l'Usine Saint Lazare